Conversion de l'usufruit
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Quid de la valeur de l'usufruit ?

À la lumière des bases d'évaluation actuelles :
table de mortalité - taux d'intérêt - taux d'inflation

Types d'approche

1° Approche « Valeur ». Nous partons de la valeur du bien en pleine propriété et nous supposons que :

  • le bien est vendu (même s'il ne l'est pas réellement !) à un prix égal à cette valeur;
  • le produit de cette vente est réinvesti en « bon père de famille » dans une obligation de l'Etat belge (OLO), réputée sans risque, dont la maturité (durée) est égale à la durée moyenne de l'usufruit1.

Le capital de conversion est égal au capital constitutif de la rente formée par les coupons de cette obligation, après déduction du précompte mobilier (30%). Ces coupons sont égaux à la valeur du bien multipliée par le taux d'intérêt (net) de l'obligation.

2° Approche « Revenu ». Nous partons du revenu moyen - effectif ou vraisemblable - du bien, net de toutes charges et impôts. S'il s'agit d'un immeuble destiné à la location : valeur locative brute diminuée des charges qui incombent au propriétaire (précompte immobilier, frais d'assurance, forfait pour les grosses réparations, forfait pour le risque de chômage locatif. Faute d'évaluation précise, on retiendra 8/12 à 10/12 du revenu locatif annuel brut (4 à 2 mois par an).

Le capital de conversion doit permettre à l'usufruitier de percevoir un revenu net équivalent aux revenus nets du bien. Ce capital est donc égal au capital constitutif de la rente formée par ces revenus. Nous calculerons le capital de conversion dans deux cas : revenu constant, puis revenu indexé.

3° Approche « Loi ». Nous avons à maintes reprises dénoncé les défauts de cette méthode (cf. art. 745sexies, § 3, de l'ancien Code Civil ; art. 4.64, § 3 et 5, du Code civil).

L'évaluation légale de l'usufruit résulte de l'approche « Valeur » (voir ci-avant), calculée sur la base d'un taux d'intérêt actuellement fixé à 1% (Arrêté ministériel du 1er juillet 2022 établissant les tables de conversion de l'usufruit, M.B. 5 juillet 2022). Cela signifie que le taux de rendement net du bien est supposé uniformément égal à 1%

Exemple

  • Usufruitière de 68,5 ans c'est-à-dire 68 ans d'âge révolu (espérance de vie = durée de l'usufruit = 20 ans)
  • Valeur du bien en pleine propriété = 240.000 €
  • Valeur locative nette 600 € par mois

Le tableau ci-dessous, qui compare les résultats des différentes approches, est édifiant :

Approche

Valeur de l'usufruit

Approche « Valeur »

81.310 € (33,9%)

Approche « Revenu », revenu constant

105.164 € (43,8%)

Approche « Revenu », revenu constant*

104.208 € (43,4%)

Approche « Revenu indexé »

132.701 € (55,3%)

Approche « Loi »

43.140 € (18,0%)

  • Bases techniques : Table de mortalité STATBEL 2022 (observations 2019-2021), Taux d'intérêt moyen OLO dernier trimestre 2022, Taux d'inflation moyen 2013-2022
  • Logiciel : www.christian-jaumain.be

*selon les tables LEDOUX-JAUMAIN, Revue du notariat belge, septembre 2021.

Ce tableau donne lieu aux commentaires suivants :

1° S'il s'agit d'un bien avec revenu, l'approche « Revenu » s'impose, de préférence à l'approche « Valeur ». En outre, l'approche « Valeur » ne tient aucun compte de l'inflation.
L'approche « Valeur » ne se justifie que s'il s'agit d'un bien sans revenu (bijou de valeur ou tableau de maître, par exemple).

2° L'approche « Loi » est fortement préjudiciable à l'usufruitier ou au nu propriétaire, selon que le revenu net du bien est supérieur ou inférieur à 1%.
Heureusement, l'approche « Loi » ne s'impose qu'en cas de dispute (Art. 4.64. C. civ. : « Evaluation de l'usufruit § 1er. Sauf si les parties en ont convenu autrement, la valeur de l'usufruit est calculée sur la base de la valeur vénale des biens, etc. »).

Par facilité, indifférence ou ignorance, de trop nombreux praticiens négligent cette condition d'application de la loi et adoptent systématiquement l'approche « Loi », alors que ses lacunes ont été mises en évidence depuis l'effondrement des taux d'intérêt mais subsisteront au-delà.
En outre, l'approche « Loi » ne tient aucun compte de l'inflation et ne s'applique qu'aux usufruits sur une seule tête. La règle selon laquelle la valeur de l'usufruit sur deux têtes s'éteignant au second décès est égale à la valeur de l'usufruit sur la tête le plus jeune conduit à de grossières approximations, d'autant plus que les âges des deux têtes sont proches.

En définitive, évaluer un usufruit sur la base de la seule valeur du bien indépendamment des revenus de ce bien, comme le fait la loi, relève de l'utopie.

1 Dans le cas particulier de l'usufruit viager sur 1 tête, cette durée est égale à l'espérance de vie de l'usufruitier.